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    Joseph Bodin de Boismortier

    1689-1755


    Joseph Bodin de Boismotier, 1689-1755


    Dans l’histoire de la musique, Joseph Bodin de Boismortier  (né à Thionville le 23 décembre 1989, mort à Roissy-en-Brie le 28 octobre 1734), fait figure d’exception à plus d’un titre.

    Originaire des confins du Berry, la modeste famille Bodin se fixa à Thionville où le père du compositeur, ancien militaire, devint confiseur. Vers 1691, tout ce petit monde s’installa à Metz, où Boismortier devait recevoir son éducation musicale. De qui ? Nous savons maintenant qu’il s’agirait de Joseph Valette de Montigny (1665-1738), mottetiste accompli, et non d’Henry Desmaret, Boismortier suivit d’ailleurs son maître en 1713 à Perpignan, en plein pays catalan... comme receveur de la Régie Royale des Tabacs, charge bien éloignée s’il en est d’un quelconque emploi musical ! Boismortier épousera d’ailleurs en 1720 Marie Valette, une des nièces éloignées de son professeur, issue d'une famille d’orfèvres fortunés.

    Resté près de dix ans à ce poste, le nouveau catalan a laissé quelques traces de son activité musicale. Deux de ses Airs à boire publiés à Paris par Ballard en 1721 et 1724 prouvent que Boismortier avait déjà composé à Perpignan un bon nombre de ses compositions et qu’il testa le public parisien du fond de sa province catalane.

    Sur les recommandations du vicomte d’Andrezel, intendant du Roussillon et futur ambassadeur du Roy à Constantinople, Boismortier expédia ses affaires courantes et partit s’installer avec sa femme et sa fille à la Cour de la Duchesse du Maine, à Sceaux, puis à Paris. Ce fut le départ d’une prodigieuse carrière dans la capitale : carrière autant admirée que critiquée. Jean-Benjamin de la Borde, le célèbre théoricien, contemporain de Boismortier livra un portrait charmant et réaliste du compositeur dans son  Essai sur la musique ancienne et moderne (1780) :

    « Boismortier parut dans le temps où l’on aimait la musique simple et fort aisée. Ce musicien adroit ne profita que trop de ce goût à la mode et fit pour la multitude des airs et duos sans nombre, qu’on exécutait sur les flûtes, les violons, les haubois, les musettes, les vielles, etc. Cela eut un très grand débit ; mais malheureusement, il prodiga trop de ces badinages harmoniques, dont quelques-uns étaient semés de saillies agéables. Il abusa tellement de la bonhomie de ses nombreux acheteurs qu’à la fin on eut dit de lui :

    Bienheureux Boimortier, dont la plume fertile
    Peut tous les mois, sans peine, enfanter un volume

    Boismortier, pour toute réponse à ces critiques, disait : « Je gagne de l’argent ». Ce musicien était plaisant, ingénieux et de bonne compagnie ; il faisait des vers à la manière de Scarron, dont certains courraient dans les sociétés. »

    Créateur prolixte, on ne peut qu’être surpris par l’importance de la production du musicien français : 102 numéros auxquels s’ajoutent des airs, des partitions séparées, des grands motets et un dictionnaire harmonique. Il fut enfin théoricien en publiant une méthode de flûte et une autre de pardessus de viole. Boismortier n’hésitait pas, en effet et suivant la mode du temps - certainement par goût des combinaisons et des expériences nouvelles - à composer pour presque tous les instruments. On redécouvre actuellement ses sonates pour pardessus récemment éditées ainsi que ses recueils pour musette et vièle ; deux instruments pastoraux très en vogue à l’époque. La majeure partie de son œuvre reste cependant consacrée à la flûte traversière qui, en ce début de XVIIIème siècle, occupait le devant de la scène avec le clavecin.

    Il ne délaissa même pas la voix, pour laquelle il rédigea quantité d’airs sérieux et à boire, de canates françaises, de petits motets, de motets à grand chœur, de cantatilles et, bien-sûr, d’opéras-ballets : Les Voyages de l'Amour (1736), Don Quichotte chez la Duchesse (1743), Daphnis et Chloé (1747), et deux œuvres non représentées : Daphné (1748) et Les Quatre Parties du Monde (1752). Victime parmi tant d'autres de la Querelle des Bouffons, il se retira de la scène musicale vers 1753. Boismortier possédait une petite propriété, la Gâtinellerie, à Roissy-en-Brie, où il devait terminer ses jours à l’âge de soixante-six ans, après avoir demandé à être inhumé dans la nef de l’église paroissiale.

    L’abbé Raynal, en 1747, évoquait Boismortier en des termes peu amènes :

    « Ce musicien, plus abondant que savant, plutôt mauvais que médiocre, s’est acquis dans le métier la même réputation que l’abbé Pellegrin avait dans le sien. Celui-ci était obligé de faire des vers pour vivre, et est mort en poète ; celui-là a fait une petite fortune par le grand nombre d’ouvrages qu’il a donné au public. On les achète sans les estimer ; ils servent qu’à ceux qui commencent à jouer des instruments ou à quelques tristes bourgeois dans les concerts dont ils régalent lerus voisins et leurs compères. ».

    Il est vrai que 50 000 écus issus de ses « productions harmoniques » pouvaient faire plus d’un jaloux !

    Boismortier évolua donc dans un Paris effervescent, inondé de musique italienne sous l’impulsion des premiers précurseurs tels Couperin, et caractérisé par une vie vouée aux plaisirs que le Régent cultivait avec bonheur. A cette époque, on transformait les grandes salles en appartements plus intimes et tout traduisait le Joli plus que le Beau ; une grâce infinie dont la recherche frôlait parfois l’affection.

    En musique la « petite manière » devint reine et les longues chaconnes ou les allemandes savantes firent place aux mouvements porteurs d’une virtuosité nouvelle. Boismortier avait bien perçu ce changement de sensibilité et sa plume s’en fit l'expression. Et si Evrard Titon du Tillet, dans son dernier supplément de son « Parnasse François » - daté de 1756 - consacre Boismortier comme un membre illustre de son monument élevé « à la mémoire perpétuelle des illustres poètes et musiciens français », c’est que nous devons assurément redonner au compositeur longtemps méprisé, la place qui est la sienne.


    Stéphan PERREAU


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